Parler de matsutake dans l’Empire du soleil levant, c’est un peu comme parler de truffe en France. Fine fleur de la gastronomie asiatique, il fascine les Japonais par son parfum capiteux et sa saveur inégalée. Malheureusement, le « champignon des pins » originel tend à se raréfier au profit d’autres variétés ou espèces ressemblantes. Enquête sur cet or blanc des sous-bois qui suscite bien des convoitises.
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Identification du matsutake, le tricholoma matsutake
Au sens strict, le vrai matsutake correspond à l’espèce Tricholoma matsutake. Ce champignon consommé depuis plus de 4 000 ans prolifère essentiellement dans les forêts de pins rouges du Japon (aka-matsu), en se nourrissant de la sève de leurs racines. On le retrouve parallèlement en Corée, en Chine, et à Taïwan.
Il présente communément un chapeau de 8 à 20 cm de diamètre, orné d’écailles plus ou moins brunâtres, laissant deviner une chair blanche en se fendillant. Son stipe, relativement massif, peut atteindre jusqu’à 30 cm de haut pour les plus coriaces.
Très convoité à l’état de boutons pour son parfum plus marqué, il reste bien rare de le croiser sous cette forme : une fois sorti du sol, son chapeau se développe très rapidement.
Pour le dénicher, il convient généralement d’attendre le mois d’octobre… et de sonder patiemment les litières des forêts.
Matsutake au Québec
Imprévisible, le matsutake ? Certainement. De nombreux champignons apparentés se sont développés aux quatre coins du globe, avec des propriétés différentes selon les facteurs climatiques et environnementaux. On le rencontre aujourd’hui dans la forêt de l’Oregon aux États-Unis, au Québec aux pieds des pins gris, ou dans les pays scandinaves.
De fait, le nom « matsutake » désigne plutôt aujourd’hui un groupe de champignons présentant des similarités organoleptiques ou anatomiques. Au Canada, c’est l’espèce Tricholoma magnivelare que vous croiserez peut-être, le long de la route de la Baie-James.
Faire pousser le matsutake, c’est possible ?
Pas vraiment : toutes les tentatives de culture en laboratoire de ce champignon se sont révélées infructueuses. Difficile en effet de l’apprivoiser, compte tenu de sa relation privilégiée avec les pins et de ses conditions de développement insaisissables.
Un champignon en voie d’extinction
Quid du matsutake japonais ? Il tend à disparaître : sa récolte ne constituerait plus qu’un centième de celle de 1940. Un fait dû en partie à la maladie du flétrissement du pin, qui a généré la destruction de milliers d’hectares de pinèdes, mais pas seulement.
Pour faire face à une demande croissante, notamment avec le grand boom de la cuisine nippone, les « raids de pillage » se démocratisent. Résultat : un épuisement des ressources mycologiques. Le 13 juillet 2020, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme en ajoutant le matsutake à la liste rouge des espèces menacées d’extinction.
Le Japon recourt donc aujourd’hui à l’importation de 1 500 tonnes de matsutake, soit environ la moitié de la consommation annuelle du pays.
Le champignon de la fin du monde ?
Fait remarquable, l’apparition du matsutake pourrait être corrélée aux dommages infligés à la planète. Il semble en effet privilégier les zones altérées ou ravagées par les humains. La légende raconte d’ailleurs que ce champignon aurait été la première espèce vivante à éclore sur les terres d’Hiroshima après la tragédie nucléaire.
Parfois surnommé « champignon de la fin du monde », il se teinte ainsi d’une forme de mysticisme : mauvais présage ou message d’espoir ?
Prix du matsutake
Désormais rare sur les étals japonais, le vrai matsutake peut atteindre des sommets en matière de prix : jusqu’à 1 800 € le kilo environ pour des spécimens domestiques. Certains grands chefs japonais auraient même dépensé près de 9 000 € le kilo pour les inviter dans leurs assiettes gastronomiques.
Quant aux variétés importées, elles tournent plutôt autour de 80 € le kilo. En bouton, il sera bien sûr d’autant plus onéreux.
Une recette au matsutake
« Qui dit Fragrance dit Matsutake, Qui dit Saveur dit Shimeji » : c’est certainement à son parfum enivrant que le matsutake doit sa réputation. Qualifié de terreux et épicé, il se distingue par ses notes de pin, de poivre et de cannelle. En cuisant, il prend le fameux goût umami, la cinquième saveur si typique de la cuisine japonaise.
Le matsutake se prête à merveille à la confection de tempuras et rehausse les soupes miso. Toutefois, pas besoin de fioritures pour révéler toute sa palette aromatique. Dans un simple riz cuit à l’autocuiseur, il est sublime. Voici justement une recette japonaise de matsutake-gohan à essayer absolument !
Matsutake Gohan
Ingrédients (pour 2 personnes) :
- 2 champignons matsutake
- 320 g de riz japonais
- 3 cm de carotte
- 720 ml de dashi (bouillon à base d’algue kombu)
- 2 c à s. de saké
- 1 c à s. de mirin
- 1 c à s. de sauce soja
- 1/2 c à c. de sel
Préparation :
- Nettoyez soigneusement les champignons. Détaillez-les en fines lamelles dans le sens de la longueur (0.5 cm d’épaisseur).
- Pelez la carotte et hachez-la.
- Dans un cuiseur à riz, versez les champignons, les carottes, le riz, le saké, le mirin, la sauce soja, le bouillon dashi et le sel. Laissez reposer durant 1 h.
- Cuire le riz aux champignons durant 20 minutes. Patientez une dizaine de minutes avant de servir.
- Accompagnez de dés de tofu fumé grillés pour un plat complet.