Bangladesh : des panneaux solaires individuels pour 3 millions de foyers
Berceau de la microfinance pour petits entrepreneurs, le Bangladesh réinvente le concept en lançant le plus grand programme au monde de panneaux solaires individuels. 3 millions de systèmes photovoltaïques ont déjà été installés en zone rurale depuis 2003 ; 3 millions de plus sont attendus pour 2017.

Dans la pièce unique de la maison faite de tôle et de bambous tressés, une petite fille de 9 ans récite à tue-tête les vers de la poétesse Sufia Kamal, grande figure bangladaise du XXe siècle. Et tous les voisins écoutent avec attention. La nuit étant tombée, ils profitent aussi de la lumière qui jaillit de la fenêtre et de la porte. Car, sur Vatiburail Keranir, une île éphémère – ou « char » – formée par les courants du Brahmapoutre, seule la lune éclaire parfois le village et les champs de jutes, de riz ou de cacahuètes.
Mais, il y a dix mois, les parents de Sumaya ont pu acquérir un panneau solaire, comme 3 millions de foyers au Bangladesh depuis le lancement du programme d’électrification rurale par panneaux solaires individuels, le plus important programme au monde.
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La Banque mondiale et l’État bangladais, soutenus par des institutions et des agences de développement qu’ils ont réussi à convaincre, ont lancé le projet en 2003 pour tenter d’apporter l’électricité dans de nombreuses zones isolées. Le principe : les panneaux, légèrement subventionnés, sont vendus aux familles via un microcrédit.
Le succès du programme a dépassé toutes les espérances, avec des objectifs sans cesse atteints et repoussés. Le prochain : avoir implanté 6 millions de panneaux en tout pour 2017. Aujourd’hui, 65 % de la population a accès à l’électricité, dont 10 % grâce au photovoltaïque.
Avant l’énergie solaire, les familles s’éclairaient toutes à la lampe à kérosène. Une seule lampe était partagée entre les enfants faisant leurs devoirs à la lumière vacillante et dans la fumée polluante, et les parents s’occupant des tâches domestiques. Cette lampe, devenue indispensable à des millions de personnes, a paradoxalement été la clef du programme des panneaux solaires individuels.
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IDCOL (Infrastructure development company limited), l’agence gouvernementale gérant le projet, a calculé un remboursement mensuel équivalent au coût du kérosène. Au lieu de payer le liquide graisseux, les ménages remboursent sur deux ou trois ans les 155 euros (ou plus selon la capacité choisie, de 20 à 130 watts) des panneaux solaires. Ensuite, leur investissement est totalement rentabilisé.
Autre clef de réussite : la présence d’un vaste réseau d’ONG et de sociétés distributrices spécialisées dans le microcrédit permettant à des personnes exclues du système bancaire classique d’accéder à un prêt. Le Bangladesh est le pays du microcrédit, le berceau de son développement à grande échelle.
Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus a créé ici la Grameen Bank, première institution de microfinance. Les réseaux préexistants et la légitimité dont bénéficient les organismes de microfinance auprès des populations rurales ont permis un ancrage immédiat du programme.
Pour Sumaya révisant sa littérature ou ses copines Selma, 14 ans, et Sharifa, 7 ans, l’arrivée de l’électricité a changé une bonne partie de leur avenir. Évidemment, il y a le petit ventilateur, la lumière qui permet d’éloigner les voleurs et la télévision chez la voisine. Mais, surtout, Sumaya, Selma et Sharifa peuvent mieux étudier et donc… espérer ne pas se marier trop tôt. Le mariage des mineures est officiellement interdit au Bangladesh, pays des unions arrangées généralisées, mais il demeure fortement ancré dans les coutumes rurales. Les deux grandes sœurs de Selma ont été mariées à 13 et 15 ans.
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L’adolescente, elle, rêve de faire des études et de devenir médecin. « Mon père m’a dit que je pourrai et que je me marierai après », assure-t-elle. Avant 2007, avant la première installation de panneau solaire sur un toit du village, l’école primaire enregistrait un taux d’abandon de 40 % chaque année. Près de la moitié des enfants n’arrivaient pas en classe 6, l’équivalent de notre 6ème. Aujourd’hui, le village ne compte plus aucun décrochage. Et bientôt, peut-être, plus de mariages de mineures.
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