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Un palmier à sucre pour sauver la jungle indonésienne

Tirer profit de la jungle sans passer par la déforestation, restaurer la biodiversité menacée par les monocultures, améliorer les revenus des populations locales… À partir du palmier à sucre arenga, le néerlandais Willie Smits met en place un ambitieux modèle de développement en Indonésie.

Sur les pentes du volcan Lokon, dans le nord de l’île de sulawesi, la forêt résonne tous les matins du tapotement des maillets de bois sur les branches des palmiers à sucre. Dès l’aurore, plusieurs dizaines de petits exploitants s’engouffrent sous la canopée pour s’occuper de leurs arbres, endémiques des jungles du sud-est asiatique. Ils en stimulent l’écorce afin d’en faire sortir une sève sucrée qui sera ensuite transformée en sucre brun.

Un palmier à sucre pour sauver la jungle indonésienne

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Autour de la ville de Tomohon, un site pilote révèle depuis le milieu des années 2000 les multiples atouts de ces palmiers, considérés comme une bénédiction pour la forêt Indonésienne. Willie Smits, le biologiste qui a monté ce projet de développement, est même convaincu que le palmier arenga, Arenga pinnata, présente une solution d’avenir pour l’économie de cet immense archipel de 17000 îles.




Un palmier à sucre pour sauver la jungle indonésienne
Un palmier à sucre pour sauver la jungle indonésienne

Contrairement au palmier à huile – originaire d’Afrique -, dont l’exploitation en monocultures a entraîné la disparition d’immenses pans de jungle malaisienne et indonésienne, ce palmier à sucre n’est jamais aussi productif que lorsqu’il pousse dans une forêt mixte, entouré d’autres arbres plus grands qui lui apportent l’ombre nécessaire à son épanouissement. Ce qui en fait un excellent allié pour la préservation ou la reconstitution des forêts locales.

L’Arenga pinnata s’épanouit dans tous types de topographies, même les plus escarpées, et n’a pas besoin de fertilisants chimiques pour doper sa productivité. Son exploitation nécessite juste une attention quotidienne, ce qui favorise le travail des petits récoltants, qui peuvent en tirer jusqu’à 50 litres de sève par joursoit 7 kilogrammes environ de sucre en poudre, une fois transformée. « C’est sûr, le modèle d’exploitation du palmier arenga n’a pas les faveurs des grandes firmes alimentaires, celles-ci préférant la rentabilité a tout prix des monocultures de Canne à sucre ou de palmiers à huile », considère Willie Smits.

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Débarqué sur l’île de Bornéo pour préparer une thèse sur la jungle, le Néerlandais n’a plus jamais quitté l’archipel, au point de prendre la nationalité indonésienne. Engagé très tôt dans la défense de la faune et de la flore de son nouveau pays, il s’est investi dans de multiples projets environnementaux, devenant un médiatique lanceur d’alertes. « Quand je suis arrivé à Tomohon, j’ai découvert un désastre écologique, se souvient-il. Toutes les collines des alentours étaient déboisées, au point que le climat changeait, devenant plus chaud et plus sec. »




Un palmier à sucre pour sauver la jungle indonésienne
Un palmier à sucre pour sauver la jungle indonésienne

Le plan de développement de ce génial touche à-tout s’articule en deux temps. D’abord, inciter les fermiers locaux à reboiser leurs collines pour restaurer l’écosystème et le climat de cette région volcanique. Ensuite, mutualiser le travail des récoltants des palmiers arenga, afin qu’ils touchent un meilleur revenu. Cerise sur le gâteau, l’écologiste a l’idée d’utiliser le circuit de refroidissement de la centrale géothermique de la localité voisine, Lahendong.

En 2005, il fait construire une fabrique où le jus du palmier sera transformé en sucre en poudre. « Il s’agit d’une fabrique 100 % écologique, puisque sa seule source d’énergie est le circuit de refroidissement de la centrale, explique Royke Rondonuwu, le contremaitre de cette usine baptisée Masarang. Non seulement cette énergie est propre, puisqu’elle ne crée aucun déchet, mais elle ne nous coûte rien».



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Entre 300 kilos et 1 tonne de sucre brun y sont fabriqués tous les jours, en fonction de la saison. « Au lieu de brûler quotidiennement 3 ou 4 m3 de bois pour transformer ma récolte en sucre, j’utilise le circuit de refroidissement de la centrale géothermique comme un bien collectif que je partage avec tous les récoltants, indique Jusuf Wungow, un des fournisseurs réguliers de Masarang. Avec ce fonctionnement, nous sauvons 20 000 arbres par an. Et je gagne au moins 6 millions de roupies par mois (360€) trois fois le salaire de base indonésien. »

Une partie du sucre produit est vendue localement, le reste est exporté en Europe, ou un marché se met en place pour ce produit bio, riche en oligoéléments et moins nocif que le sucre blanc.

Fort de ce succès, Willie Smits pense déjà à ouvrir d’autres usines dans cet archipel volcanique. Il vise même plus loin « Le palmier à sucre pousse tout aussi bien dans les jungles d’Afrique ou d’Amérique. À terme, nous prévoyons de l’implanter en Colombie, à Haiti, en Tanzanie ».

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