Souvent qualifiée de « dérive de la société de consommation », l‘obsolescence programmée caractérise la durée de vie volontairement écourtée des appareils par le fabricant, incitant le consommateur à racheter neuf le produit soudainement défectueux.
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Pour lutter contre, plusieurs mesures ont déjà été prises par les pouvoirs publics. Depuis le 17 mars 2014, la loi « Hamon » oblige les fabricants à indiquer la date limite de disponibilité des pièces détachées indispensables à leurs produits et à les fournir. Un délit d’obsolescence programmée est même reconnu dans la loi de transition énergétique, défini comme « tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique ». Il pourra faire l’objet de sanctions pénales (jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende), au même titre que d’autres pratiques commerciales trompeuses.
Outre les obligations réglementaires, changer les pratiques des fabricants mais aussi les habitudes des consommateurs passe par une alternative : (ré)apprendre à réparer !
Quand est apparue l’obsolescence programmée ?
L’apparition, puis, l’essor de l’obsolescence programmée s’expliquent par le fait que des économistes et designers ont souhaité augmenter le taux de renouvellement des produits pour soutenir la consommation et lutter contre la crise économique.
Même si le terme d’obsolescence programmée intervient plus tardivement, dès 1920 il existe des exemples d’obsolescence programmée ! Par exemple : le « Cartel Phoebus » groupe composé notamment des entreprises Philips et General Electric, vendait volontairement des ampoules dont la durée d’incandescence était limitée à 1000 heures.
Le terme « obsolescence programmée » arrive un peu plus tard. Il vient de l’expression anglaise « planned obsolescence » qui semblerait avoir été utilisée la première fois en 1929 par un agent immobilier new-yorkais dans le son ouvrage « The new Prosperity ».
Puis, dans les années 50, et, sous l’impulsion du designer américain Brooks Stevens, cette pratique est devenue courante et est de plus en plus utilisée dans le monde des affaires.
Quel objet a été la première victime de l’obsolescence programmée ?
L’ampoule à incandescence et son filament conçu par Adolphe Chaillet a été la première victime de l’obsolescence programmée. Dans les années 1920 tout était bon pour soutenir la consommation.
Obsolescence programmée : que dit la loi en France ?
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) définit en 2012 ce phénomène dans l’une de ses études sur la durée de vie du matériel économique.
Selon cette agence l’obsolescence programmée peut être de deux types :
- fonctionnelle : le produit ne répond plus à l’usage prévu et attendu, pour des raisons techniques par exemple.
- d’évolution ou « de mode » : le produit ne répond plus à l’envie de l’utilisateur qui veut renouveler ce produit pour un plus récent, c’est l’effet de mode qui se matérialise ici.
Dès 2013, le législateur français se penche sur ce phénomène et lui confère une nouvelle définition. Selon la loi française l’obsolescence programmée correspond à l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement.
Depuis une loi du 22 juillet 2015, à l’initiative du groupe Europe Écologie les Verts, l’obsolescence programmée est un délit puni de 2 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende (5% du chiffre d’affaires pour une personne morale).
Les différentes formes d’obsolescence programmée
Il est nécessaire de connaître les différentes formes de cette obsolescence. Un rapport d’information datant de 2011 en recensait les principales :
- L’obsolescence indirecte (ou par défaut fonctionnel) : Elle se caractérise par la perte ou le non fonctionnement d’une pièce de l’appareil, ou le défaut de pièce de rechange sur le marché. Elle s’applique principalement pour les téléphones portables, notamment concernant les batteries. Parfois appelée obsolescence de service après-vente, elle incite le consommateur à racheter le produit neuf plutôt que d’entraîner des réparations longues et onéreuses.
- L’obsolescence d’incompatibilité. Elle concerne les produits ne fonctionnant plus avec les nouvelles mises à jour, tel le logiciel informatique devenu obsolète suite à la nouvelle version d’un programme.
- L’obsolescence esthétique. Elle concerne les appareils ou les vêtements par exemple, ayant soudainement subi un coup de vieux esthétique par rapport à leur version plus récente, ou n’étant plus à la mode. Un cas de désuétude bien connu des aficionados de la marque à la pomme. A ce niveau, le comportement du consommateur peut également être mis en cause…
- L’obsolescence de fonctionnement. Il s’agit des produits programmés pour ne durer qu’un certain temps, notamment les lave-linge, téléviseurs, fours à micro-onde…
Pour lutter contre ces pratiques industrielles, les solutions citoyennes se multiplient ainsi que plusieurs plateformes afin de guider les consommateurs touchés. Certaines entreprises y voient même de nouveaux business, qu’il s’agisse de start-up ou de grandes enseignes de bricolage qui commencent à s’intéresser à l’émergence d’un nouveau citoyen-bricoleur. À vos marques, réparez !

Des exemples d’obsolescence programmée
De très nombreux objets sont victimes de l’obsolescence programmée. Faisons un tour de piste de ces nombreux exemples.
Obsolescence programmée des ordinateurs
L’évolution de l’information implique que l’ordinateur est sûrement l’objet qui est le plus sujet à l’obsolescence programmée. Les constantes évolutions technologiques font que les microprocesseurs des ordinateurs deviennent facilement et assez rapidement obsolètes.
Obsolescence programmée et lave-linge
Les lave-linges sont également victimes d’obsolescences programmées. En effet, dans l’un de ses rapports, l’association HOP révèle qu’en 8 ans (de 2010 à 2018), la durée de vie moyenne des machines à laver a nettement reculé : elle est passée de 10 à 7 ans.
Obsolescence programmée et smartphone
Les smartphones au même titre que les ordinateurs sont souvent victimes d’obsolescences programmées : beaucoup de concurrents du domaine de la téléphonie sortent constamment des nouvelles générations de smartphones, ce qui rend obsolètes les anciennes versions.
L’obsolescence joue sur deux niveaux. D’une part elle est fonctionnelle car les accessoires ne sont plus forcément compatibles d’une version à l’autre. D’autre part, l’obsolescence est aussi « de mode » car nombreux sont ceux qui recherchent la dernière version d’un produit même si la version antérieure fonctionne toujours.
Obsolescence programmée et imprimante
Certaines anciennes imprimantes étaient équipées de puces. Leur rôle était de comptabiliser le nombre d’impressions réalisées avec l’imprimante. Une fois un nombre d’impression atteint, fixé par le fabriquant, l’imprimante ne fonctionnait plus. Fort heureusement cette pratique frauduleuse a été interdite en 2006.
Obsolescence programmée : les marques à préférer
Plusieurs marques se sont engagées contre l’obsolescence programmée. On peut citer par exemple les produits électroménager SEB garantis dix ans, les vêtements Patagonia, les pneus Michelin, les chaussures Dr Martens, le portable démontable Fairphone et bien d’autres.
Fort heureusement il existe des marques engagées vers lesquelles vous pouvez vous tourner. De nombreux fabricants français s’engagent à résorber ce phénomène. Souvent, ils visent à rendre l’appareil plus robuste, réparable.
Pour aider les consommateurs, l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée) évalue les marques et dresse des listes.
Comment lutter contre l’Obsolescence programmée ?
Adopter une consommation responsable est la première façon de lutter contre ce phénomène. En consommant de façon plus responsable vous évitez le piège de la nouveauté à tout prix et vous luttez contre l’obsolescence programmée !
Choisir une marque de qualité : le matériel trop bon marché, fabriqué avec des pièces à trop bas coût et de mauvaise qualité conduit inévitablement à une obsolescence fonctionnelle. Préférez donc des produits de meilleure qualité, robustes, même s’ils sont un peu plus chers.
Préférez le matériel démontable et donc réparable s’il est cassé, cela évite de le jeter et d’en racheter un neuf.
Réparer depuis chez soi
Les sites de bricolage et réparation ne manquent pas sur internet. La plateforme participative Commentreparer, créée par Damien Rave, s’adresse aux novices qui veulent ouvrir le ventre de leurs appareils plutôt que de les remplacer illico.
Elle fonctionne sur le principe du forum : on y expose son cas et la communauté des bricoleurs répond. Tablette en panne, tabouret bancal, lave-linge qui fuit : toutes les questions sont les bienvenues. Le site propose également des astuces et fiches pratiques, ainsi que des liens vers des boutiques de pièces détachées.
Très précieuses lorsqu’on se lance dans la réparation. Parmi les nombreux sites de vente en ligne (Jerepare, Envie 2E, 1001 pièces….), Spareka permet non seulement de commander les pièces à changer mais accompagne aussi le débutant avec des tutoriels qui aident à diagnostiquer la panne et, surtout, vous guident pas à pas pour réparer vos équipements.
Réparer avec les autres
Réparer soi-même tout en profitant des outils et surtout des savoirs, de l’expérience et du coup de main d’autres bricoleurs plus avisés, c’est désormais possible dans les Repair’Cafés, ouverts à tous et gratuits, qui essaiment un peu partout en France.
L’association du même nom vous permet de les identifier. Chacun peut devenir bénévole du réseau et créer son propre événement. Des experts sont invités pour l’occasion (électriciens, menuisiers, réparateurs de vélos, couturières…).
C’est aussi ce qui se passe dans les Fab Lab, ces ateliers de fabrication ouverts qu’on ne présente plus. Moyennant une cotisation, on peut y bidouiller à loisir.
L’outil star, l‘imprimante 3D, permet d’y oser la fabrication de pièces détachées grâce à des plans en open-source. Solution plus onéreuse : la location d’un atelier. À Paris, les ateliers en libre-service Mon Atelier en ville ou encore l’Établisienne, par exemple, permettent de louer espace et outils. Mais attention, vu les tarifs à l’heure, mieux vaut être un bricoleur un peu entraîné.
Faire appel à ses voisins
Réparer, c’est aussi l’occasion de faire appel à l’oncle bricoleur, ou bien au voisinage. Différentes plateformes, comme Share Voisins, permettent de repérer dans son quartier des objets utiles de toutes sortes, à partager. Et de fil en aiguille, lorsque le contact est établi, qui sait si ce voisin ne viendra pas donner un coup de main ? Les réseaux d’échanges réciproques des savoirs ou les systèmes d’échanges locaux (SEL) de services sont aussi des bons plans pour trouver une aide.
Réparer avec les grandes enseignes
Le virus du Do It Yourself de la réparation est en passe de gagner certaines grandes enseignes de bricolage. Chez Leroy Merlin par exemple, il est possible de louer de l’outillage à la journée. L’enseigne, qui ne reste pas différente au mouvement des Fab Lab, a également ouvert, dans son magasin d’Angers, un premier atelier de fabrication-réparation pour « favoriser le « faire ensemble » et l’apprentissage ».
Une première appelée à être dupliquée : l’enseigne a pour projet, en partenariat avec l’américain Techshop, la création d’un grand espace collaboratif de fabrication en région parisienne.
Chez Castorama, on surfe aussi sur la vague collaborative et circulaire. Dans les tuyaux, un programme de SAV 3D qui devrait permettre d’imprimer les pièces détachées d’objets achetés dans l’enseigne ou encore la promesse d’un « Uber » de la réparation, en partenariat avec la start-up Lesdeparmeurs.fr.
Faire réparer par un artisan
A commencer par le cordonnier, qui donne à nos chaussures favorites une seconde naissance… En effet, il ne faut pas oublier les artisans lorsqu’on parle réparation.
À la faveur de cette nouvelle appétence pour l’allongement de la durée de vie de nos objets, certains professionnels s’organisent pour être davantage visibles. En Rhône-Alpes et en Aquitaine par exemple, les chambres des métiers et de l’artisanat ont mis en place un label « Repar’acteurs » afin de mieux faire connaître ces artisans de la réparation et inciter les consommateurs à s’adresser à eux.
Livre sur l’ Obsolescence programmée
Si vous souhaitez continuer d’approfondir cette thématique, de nombreux ouvrages sont accessibles :
- L’obsolescence programmée de Benjamin Nathé
- L’obsolescence programmée des objets de Bernard London
- Bon pour la casse : les déraisons de l’obsolescence programmée de Bernard Heger