La méthanisation, est-ce que ça gaze ?
Une solution d'avenir pour nos déchets organiques ?
Il est dans la nature des déchets organiques de se décomposer. Alors, pourquoi ne pas les recycler, plutôt que de continuer à les traiter comme des déchets ? C’est la méthanisation, dont le principal « gisement » sont les effluents de l’élevage.

Contenu
Méthanisation : définition
C’est naturel : les déchets organiques (le fumier, les épluchures de fruits et légumes) se décomposent en humus et en gaz. La méthanisation est l’exploitation de ce processus naturel de dégradation des matières organiques.
Digestion anaérobie
En l’absence d’oxygène et sous l’effet de la chaleur (38 °C), des bactéries décomposent ces déchets organiques en méthane (du biogaz, dont la version épurée est le biométhane) et en un résidu, le digestat.
Pourquoi choisir la méthanisation ?
Biogaz
Le biogaz est un mélange gazeux de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2). Il est susceptible de servir de combustible pour alimenter une chaudière, de carburant pour les véhicules (le bio Gaz Naturel Véhicule) et pour les moteurs de cogénération (électricité et chaleur), et de gaz naturel injecté dans le réseau (sous forme de biométhane).
Ainsi le biogaz chauffe-t-il d’ores et déjà certains établissements (c‘est le cas de l’hôtel balnéo Barrière, de Ribeauvillé en Alsace). Il est injecté dans le réseau de gaz naturel dans les Yvelines. Et les autobus de Saint-Ouen l’Aumône dans le Val d’Oise roulent au bioGNV : des autobus silencieux, quasiment pas émetteurs de particules fines et très peu de CO2 (80% de moins qu’un moteur à essence).
Digestat
Principalement composé d’azote, de phosphore et de potassium, le digestat est un fertilisant pour les cultures. Il permet aussi d’amender les sols qui ont besoin d’être rééquilibrés.

Méthanisation des déchets, une filière jeune
Gaz vert
Depuis fin 2011, il est autorisé d’injecter du biométhane dans le réseau de gaz naturel. Aujourd’hui en France, 196 installations injectent l’équivalent de 3 454 GWh par an. Une filière jeune, pour laquelle la loi Energie Climat a fixé à 8% pour 2028, le biométhane injecté dans les réseaux de gaz (soit entre 24 et 32 TWh).
Le digestat n’est plus un déchet
En France depuis 2017, le digestat n’est plus un déchet : il a officiellement été reconnu comme un fertilisant. Ce changement de statut a tout simplement permis à cette filière d’exister : au lieu d’être obligé de se débarrasser du digestat comme d’un déchet, les méthaniseurs peuvent le vendre (ou l’échanger).
Le coût intrinsèque en est réduit de moitié : le traitement des déchets organiques revient à 50 euros la tonne, leur stockage ou incinération coûte 100 euros la tonne.
A noter que l’épandage de digestat se fait selon le cahier des charges strict : interdit sur les cultures maraîchères, et dans le respect de limites chimiques et bactériologiques pour les grandes cultures et prairies.
Qu’est-ce que la méthanisation agricole ?
Méthanisation et déchets agricoles
Les déchets agricoles représentent deux tiers des déchets organiques, loin devant les déchets ménagers (13%) et les déchets industriels (également 13%). Pour leur part, les boues des stations d’épuration représentent 7% de ce « gisement ».
Le développement de la méthanisation repose donc principalement sur ces déchets agricoles.
L’élevage
En Amérique du Nord, le fumier représente 70% des déchets organiques méthanisés, au Canada, 46%.
En France, la principale source de déchets organiques agricoles est aujourd’hui le lisier de porcs et de bovins, auxquels sont ajoutés des substrats à forts potentiel méthanisant que sont les déchets agro-alimentaires (graisses d’abattoirs, huiles issues de céréales).
Lisier et fumier
Au fait, quelle différence entre le lisier et le fumier ? Le lisier est un mélange liquide d’effluents d’animaux d’élevage (urine, excréments et eau). Le fumier est un mélange solide d’excréments d’animaux et de paille, distinction étant faite entre le fumier compact et le fumier mou.
Principalement constitué d’eau, le lisier est à faible potentiel méthanisant, d’où la nécessité d’y ajouter des substrats, tels que les graisses d’abattoirs : une technique néanmoins bien maîtrisée. Mais le fumier est à potentiel méthanisant bien plus intéressant.

Cheptel
Dès lors que les effluents de bovins ne sont plus un déchet, tout entre en ligne de compte : le type de bovins (les vaches laitières et allaitantes étant les meilleures fournisseuses de fumier) et, ce n’est pas anodin, le type de litière sur lesquelles ils sont élevés : aire de couchage paillée ou non, stabulation libre ou entravée, périodes de pâturage.
En France, le cheptel bovin s’élève à 8 millions de vaches (dont un peu plus de 4 millions de vaches allaitantes et un peu moins de 4 millions de vaches laitières), de près de huit millions de génisses et d’un peu plus de 4 millions de bovins vendus annuellement.
Les effluents bovins
Chaque année, le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) réalise l’inventaire national des effluents bovins : 243 Mt de matières brutes par an avec 135 Mt/an émises directement au champ et 108 Mt/an récupérées.
Selon le CITEPA, 66% de ces effluents est sous forme de lisier, un tiers seulement sous forme de fumier. Mais selon une étude qui avait été réalisée par Biomasse Normandie, c’est l’inverse : 89 Mt sont sous forme de fumier et 19 Mt sous forme de lisier.
Dans ses calculs, le CITEPA inclut le fumier mou dans le lisier. Mais la spécificité française est bien un fort gisement de fumier. La problématique : peu d’exploitations ont les moyens de se lancer par elle-mêmes dans la méthanisation, au regard de leurs dimensions.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des effluents agricoles est épandue sur les terres agricoles.

Les usines de méthanisation en France
De manière générale, l’ouest de la France est le principal gisement d’effluents bovins : avec plus de lisiers dans les régions où la disponibilité en paille est moins importante (la Bretagne, la Mayenne, la Manche). A l’inverse, le fumier compact est important dans les régions telles que le pays de Loire.
Du côté des zones de montagnes du Jura et du Massif central, le fumier est également bien représenté, de même que dans les zones herbagères tournées vers la production de viande (le Limousin).
Méthanisation à la ferme, la taille des exploitations
Sur les quelque 400 installations de méthanisation, la moitié sont implantées directement à la ferme. Nombreuses, les petites structures n’ont pas les moyens d’investir dans de tels investissements.
D’où le rôle des coopératives et des communautés de communes.
Pour sa part, depuis 2018, l’État a choisi de soutenir la filière via des tarifs d’achat du biométhane avec des tarifs de référence fixés pour le biogaz et pour les intrants, le tout pour des contrats de 15 ans.
Les inconvénients de la méthanisation
Lente à se mettre en place, la filière ne fait pas que des heureux. Dans certaines régions, les riverains se plaignent du bruit des camions qui acheminent le lisier.
Méthanisation et odeur, un réel problème
Pire, l’odeur nauséabonde du lisier. Selon des études canadiennes, cette dernière nuisance incomberait à la composition du lisier, qui se traite en amont, au stade d’une saine alimentation des animaux d’élevage.
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