La méthode de self-défense de Tsahal et du GIGN est sortie de son camp retranché pour être dispensée en salle de sport. Pourquoi certain(e)s s’y mettent-ils ? Découvrez le krav-maga.
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Les origines du krav-maga, né dans les rues de Bratislava
Fils d’un ancien acrobate de cirque, lutteur et instructeur en chef de la police départementale tchécoslovaque, Imi Lichtenfeld (1910- 1998) est lui-même un boxeur et un lutteur accompli. Par ailleurs, le jeune homme a une sensibilité artistique : il est attiré par le théâtre. Mais les événements en décident autrement.
Bratislava est limitrophe de l’Autriche, annexée en 1938 lors de l’Anschluss par l’Allemagne nazie. Et la ville recense 42% d’allemands. Depuis 1936, ses habitants juifs y sont la cible de violentes agressions antisémites. C’est là que le jeune sportif forme des jeunes gens au self-défense et participe aux combats de rue.
Le self-défense de Tsahal
En 1940, Imi Lichtenfeld fuit ce qui deviendra la Slovaquie. Il rallie la terre palestinienne alors sous mandat britannique, à bord de ce que l’on n’appelait pas encore un boat-people et dont il fut l’un des seuls cinq survivants. Le voici engagé par la Haganah, l’organisation paramilitaire sioniste qui préfigure Tsahal, qu’il intégrera à partir de 1948.
En 1964, Imi Lichtenfeld quitte l’armée : il adapte la méthode de combat de rue qu’est le krav-maga, aux besoins des civils, femmes autant qu’hommes. Pour ce faire, il crée deux centres de formation, l’un à Tel Aviv, l’autre à Netanya où il habite. Il met au point le même système de ceinture qu’au judo, correspondant à un apprentissage progressif : en 1971, Eli Avizkar en est la première ceinture noire.

13 000 pratiquants en France
Aujourd’hui, le krav-maga est enseigné dans une douzaine de pays d’Europe (France, Allemagne, Finlande, Portugal, Italie, Pologne, etc) et au Canada. Rien qu’à Paris, une douzaine de clubs proposent des cours.
En octobre 2017, les tout premiers championnats du monde de krav-maga se sont tenus à Jérusalem. Les français y ont fait une moisson de médailles d’or, dont Mohamad Moussaoui et Stephane Binde dans la catégorie seniors masculins et Stéphanie Dumont et Hanifa Yajjoi dans la catégorie seniors féminines.
Les premiers championnats de France se sont tenus en février 2018. Depuis, il est un peu moins intriguant de déclarer lors d’une soirée entre amis, que l’on s’adonne au krav-bmaga.
Les règles du krav-maga : instaurer le dialogue… mais tous les coups sont permis
Boxe, lutte, judo, ju-jitsu, muay-thaï (boxe thaïlandaise), le krav-maga tient certes de l’art martial et du sport de combat. Mais différence de taille, aucun sport n’est pas fait pour mettre quelqu’un hors d’état de nuire : en sport, le rival n’est pas un ennemi. Il est interdit de mettre la vie d’autrui et la sienne en danger.
Si le krav-maga a désormais ses compétitions, les principes énoncés par Imi Lichtenfeld restent les mêmes : éviter les situations dangereuses, recourir aux réflexes naturels, utiliser la « voie la plus courte » pour se défendre, utiliser les objets à portée de la main, puis les armes naturelles, instaurer un dialogue. Et, si cela est impossible, tous les coups sont alors permis.

Ainsi, les parties corporelles interdites en sport sont au contraire privilégiées : les yeux, la nuque, les genoux, la gorge, les parties génitales.
Le krav-maga au service de #MeeToo ?
Tout le monde n’est pas censé être Sean Penn dans Gunman. Mais l’idée est là : se sortir rapidement d’une situation dangereuse et inattendue. Différence avec l’apprentissage militaire, le self-défense et non pas l’attaque, est privilégié.
Si les cours de krav-maga sont mixtes, certains sont désormais exclusivement féminins. Pas de sexisme à rebours, mais l’apprentissage de techniques spécifiques pour réagir dans la vie courante : contre une tentative de vol de son sac à mains, contre certains attouchements, comment utiliser en parade, certains objets de la vie courante comme un trousseau de clefs ou un parapluie.
Un entraînement fait d’échauffement, d’apprentissage de la technique, puis d’une troisième phase de combats lents. Le fait-même de moins se sentir une proie, de savoir retourner une situation, séduit de plus en plus de femmes : elles représentaient moins de 10% des pratiquants il y a quatre ans, près de 40% aujourd’hui.
Une contre-indication au corps-à-corps ?
Les techniques du krav-maga reproduisent des situations réelles, immobilisation de la victime avec simulation d’étranglement, plaquage au sol, attaque au couteau, etc. Mieux vaut ne pas être gêné par le corps à corps !
Si le krav-maga est décommandé aux personnes souffrant de problèmes cardiaques ou d’homéostasie, ses contre-indications sont, ni plus, ni moins, celles de la pratique du karaté : problème de rachis et d’articulation en général.
Last, but not least, le krav-maga enseigne la maîtrise d’un agresseur, soit une plus grande maîtrise des moyens dont disposer à son encontre. Il n’apprend pas à devenir agresseur soi-même. Ce n’est pas une école de la violence.