On y cultive autant les liens avec ses voisins que des salades ou des tomates. Cette définition proposée par l’association Graine de jardins, représentante du réseau des jardins partagés en Île-de-France, éclaire joliment le double programme de ces derniers, l’approche du XXIe siècle.
La Fondation de France a voulu s’inspirer de ce que les New-Yorkais pratiquaient depuis plus de vingt ans : l’appropriation d’espaces urbains inutilisés et mis à dis-position par la ville pour y implanter des petits jardins de proximité.
En 1997 naît le réseau national « Jardin dans tous ses états », qui rassemble des structures régionales, des associations environnementales, des chercheurs intéressés par le concept de jardin comme support social d’échanges non monétaires, et d’autres acteurs de tous horizons. Une charte est rédigée et rendue accessible au public, véhiculant trois valeurs fondamentales : les jardins partagés doivent s’élaborer selon une concertation participative, s’ancrer dans une logique de respect de l’environnement et prôner le tissage de liens sociaux.
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Ainsi que l’explique Delphine Baudelet, fondatrice de Graine de jardins : «Les jardins partagés voient défiler en creux un pacte social et environnemental. C’est une forme d’utopie sociale, écologique et citoyenne. Le modèle défendu est celui d’une société inclusive, non discriminante, ouverte à toutes et tous. »
Et, en effet, entre béton et bitume, les jardins rassemblent des personnes de toutes cultures et toutes les classes sociales dans Fécrin d’un petit bout de vert.
Comme très souvent lorsque la nature est de la partie, la culture du jardin est aussi celle de l’espoir : les personnes au plus bas de l’échelle sociale, courbées par la précarité et parfois incapables de concrétiser des projets de vie, peuvent, dans le jardin, réaliser quelque chose.
Selon Delphine Baudelet, « elles vont pouvoir se former par le biais des animations organisées par les associations porteuses, prendre des initiatives dans le respect de l’environnement, peut-être créer un abri pour hérisson. Proposer des choses à la ville, et être entendues».
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Graine de jardins encourage particulièrement les différents jardiniers à rédiger leur propre statut d’association ou encore un règlement intérieur : à s’approprier et personnaliser leur œuvre. Ainsi ce qui a été exprimé à travers le jardin reflétera la réalité des territoires et de ses groupes sociaux…
Aujourd’hui, on compte plus de 130 jardins partagés rien qu’en Île-de-France. Les pouvoirs publics de proximité ont saisi leur importance en termes d’apprentissage et de transmission des savoirs, et encouragent les associations à développer une autonomie encore impensable il y a quelques années. Si ces espaces verts collectifs ont fait tant d’émules, c’est parce qu’ils apportent un élément de réponse au mal-être du modèle urbain individualiste, où la création de liens sociaux demeure secondaire.
Et la gérante de Graine de jardins de conclure : « Quand il y en a assez de la méfiance, du repli sur soi, de ce climat pesant, le jardin permet de réintroduire la sociabilisation de quartier. Il offre une formation sur le tard de la citoyenneté et au vivre ensemble. » Voilà par où commence cette (r) évolution à hauteur de potager : la rencontre avec son voisin.
EN SAVOIR PLUS : jardinons-ensemble.org