Nous connaissons mieux la surface de la lune que le fond des océans. Et pourtant, le fond marin est un peu le soubassement de la vie sur Terre.

Contenu
- 1 Fond marin et écosystème terrestre
- 2 Fonds marins, qu’est-ce que c’est ?
- 3 Fonds marins et dépôts sédimentaires
- 4 Fond marin et nodules polymétalliques
- 5 Images du fond marin
- 6 Fond marin : les profondeurs
- 7 Pourquoi et comment explorer les fonds marins ?
- 8 Fond marin : quel poisson ?
- 9 Fonds marins et droit des États
- 10 Fond marin et climat
- 11 Fonds marin et (sur)exploitation
- 12 Pour en savoir plus
Fond marin et écosystème terrestre
Les grands fonds marins représentent plus de 60% de la surface terrestre : en termes de surface, il s’agit donc du plus grand écosystème terrestre.
Et du plus inaccessible : 90% des connaissances concernent les fonds marins jusqu’à cinquante mètres de profondeur et moins de 10% les fonds jusqu’à 200 mètres de profondeur.
Fonds marins, qu’est-ce que c’est ?
Les fonds marins ou plancher océanique (ou lithosphère océanique pour les géologues qui étudient la tectonique des plaques) désignent au sens large tous les fonds immergés des mers du globe terrestre. On distingue :
- Le plateau continental, qui est la partie de la croûte continentale immergée. Sa bathymétrie (profondeur d’eau) est très faible (de zéro à moins de 200 mètres) et sa pente également (0, 7′).
- Le talus continental ou zone bathyale, qui est la zone intermédiaire entre le plateau continental et la plaine abyssale. Sa pente (4° en moyenne) représente une rupture avec le plateau continental, en général à 130 mètres de profondeur.
- A la jonction du talus continental et des grands fonds, le glacis continental est formé des sédiments descendus le long du talus : le glacis continental est important au pied des canyons sous-marins.
- Quant aux grands fonds ou plaines abyssales, elles se situent à plus de 3 000 mètres de profondeur (2 000 à 2 500 mètres en Méditerranée). C’est là que se situent le relief sous-marin, les dorsales et fosses océaniques.
Fonds marins et dépôts sédimentaires
L’écorce terrestre est recouverte de terre… et le fond marin ? Il est recouvert de sédiments. Ceux-ci s’y forment de deux manières : l’érosion continentale va à la mer, par glissement, tempêtes (sable), etc. Cette érosion continentale s’accumule sur le plateau continental et sur le glacis, jusqu’à avoir la taille d’un delta ou à déclencher des avalanches sous-marines.
Mais la principale source des sédiments marins est le plancton ! Le premier maillon de la chaîne alimentaire a un squelette (en carbonate de calcium, en silice dans le cas des diatomées). La « neige marine », cette pluie ininterrompue des détritus marins des couches supérieures d’eau vers les fonds de l’océan, le fait alors descendre sur le plancher océanique.
Et, malin, lorsqu’il y a trop de sédiments à un endroit, la CDD pour carbonate compensation depth (niveau de compensation des carbonates) rétablit l’équilibre. Un bon ordre qui a un lien avec la richesse en métaux des océans.
Fond marin et nodules polymétalliques
Les voilà, nos futures batteries d’IPhone. En réalité, ce n’est pas si simple : le meilleur gisement se trouve dans le Pacifique, dans la zone Clarion-Clipperton par 5 000 m de fond.
Jusqu’à présent et après avoir lorgné dessus dans les années 70, les modules polymétalliques n’ont pas encore été exploités. Mais l’idée n’est pas non plus tombée dans les oubliettes.
En tous les cas, ceux du Pacifique contiennent du manganèse (29 %) et du fer (6 %) mais aussi du nickel (1,3 %), du cuivre (1,15 %) et du cobalt (0,25 %) et des terres rares.
Images du fond marin


Fond marin : les profondeurs
Fonds marins et bathymétrie
Jusqu’au XXe siècle, la profondeur de l’océan se mesurait à l’aide de fil à plomb (si, si !), puis par interpolation entre deux points. Sauf que les courants faisaient dériver le fil à plomb. Une mesure ponctuelle et approximative.
Les fonds marins ont beaucoup intéressé à l’époque du projet de câble télégraphique transatlantique. Ne riez pas, ce n’était pas si vieux, puisqu’il y a 162 ans seulement. La prouesse (4000 kilomètres de câbles embarqués) s’est d’abord soldée par un échec (la houle avait bloqué la machine à dérouler le câble, qui s’est rompu).
En même temps, a germé l’idée de savoir s’il n’y aurait pas des obstacles de relief sous l’eau. Au point qu’un certain Matthew Maury, découvreur du plateau qui relie Terre-Neuve à l’Irlande, inscrivit sur les cartes sous-marines un « plateau télégraphique », qui n’a jamais existé.
Carte du fond marin
Vive le progrès, les sondeurs acoustiques ont permis, en tenant compte de la salinité et de la température de l’eau, de mieux cartographier les fonds marins.
D’ailleurs, c’est une femme, Marie Tharp, qui établit les premières cartes sous-marines acoustiques.
Fonds marins et sondeurs multi-faisceaux
Aujourd’hui, la profondeur des fonds marins se mesurent à l’aide d’un sondeur multifaisceaux : monté sous la coque d’un navire, il permettant de mesurer depuis la surface la profondeur d’eau en plusieurs points simultanément de bâbord à tribord.
Il fonctionne à mesure que le navire se déplace, permettant ainsi de « balayer » le fond des océans, sur une largeur pouvant aller jusqu’à 20 km par 5 000 m de fond.
Quel est le fond marin le plus profond ?
La fosse des Marianne est la fosse océanique la plus profonde la plus connue et l’endroit le plus profond de la croûte terrestre : située à proximité au nord-ouest du Pacifique, à l’est des îles Marianne et à proximité de l’île de Guam, elle atteint les – 10 994 mètres.
Pourquoi et comment explorer les fonds marins ?
En 1872 à l’initiative du naturaliste écossais Charles Wyville Thomson, le navire de la couronne britannique HMS Challenger quitte Portmouth pour une mission de trois ans : c’est la toute première expédition qui attestera d’une vie sur les fonds marins.
Jusqu’alors, les fonds marins étaient considérés comme une couche de sédiments désertique : l’expédition voulait vérifier la théorie selon laquelle la faune terrestre disparue aurait trouvé refuge dans les grands fonds !
L’expédition HMS Challenger révèlera que la vie des grands fonds est variée, adaptée aux différentes profondeurs et pressions. Elle rapportera également les premiers nodules polymétalliques.
Et fera la toute première description des fosses et dorsales sous-marines, qui permettront ensuite de comprendre la tectonique des plaques.
En 1951, le HMS Challenger, septième du nom, mesura au sonar le point le plus profond des océans, à 10 900 m au sud de de la fosse des Mariannes, celle-ci découverte par la première expédition. D’où le nom de Challenger Deep donné à ce point.
Fonds marins et vie sous-marine
Au-delà, de 200 mètres de profondeur, les rayons du soleil pénètrent très peu. Au-delà de 1000 mètres, c’est l’obscurité totale, l’eau froide et une pression écrasante au-dessus de la tête.
La biologiste marine Angelika Brandt (de l’Institut de recherche Senckenberg de Francfort-sur-le-Main, 27 expéditions de recherche polaire et océanographique à son actif) le résume ainsi : « Il s’agit d’un milieu de vie tout à fait normal pour les organismes ne comportant pas de corps creux remplis de gaz ».
Les organismes vivants des grands fonds marins sont souples pour résister à la pression, ont une bouche gigantesque pour capter la moindre nourriture, et certains s’éclairent par bioluminescence, tandis que d’autres sont sensibles à la moindre vibration.
Pour la première fois en 1934, l’homme observe des spécimens de cette faune : les deux explorateurs américains, William Beebe et Otis Barton, descendent en bathysphère à 923 mètres de profondeur. En 1960, le bathyscaphe Trieste de Don Walsh et Jacques Piccard descend à 10 916 m de profondeur. Puis en 1964, le premier submersible entièrement mobile Alvin, transporte des passagers sous l’eau à une profondeur de 4 500 m.
On en découvre tout le temps… en 2015, l’expédition américaine America’s Ocean Exploration Team découvrait dans les fonds marins entre Puerto Rico et les îles Vierges américaines, une centaine d’espèces de poissons, autant d’invertébrés et une cinquantaine de coraux.
Fond marin : quel poisson ?
Parmi les espèces identifiées en profondeur, celles-ci devraient vous dire quelques chose :
- la baudroie abyssale (encore plus vilaine que celle des côtes bretonnes),
- la pieuvre Dumbo (très rigolote),
- la hache d’argent (poisson au ventre couvert de points lumineux, camouflage confondu par ses prédateurs avec les rares rayons du soleil),
- le poisson-vipère (pas très drôle, il avale tout cru des proies de sa taille).
Véritable étrangeté, le poisson tripode, qui vit immobile sur son trépied naturel. A 4000 m de profondeur, il ne s’ennuie pas : il peut se féconder lui-même !
Plus répandu, le poisson-lanterne est bioluminescent : à la tombée de la nuit, il remonte en surface se nourrir de plancton. Au lever du jour, il redescend.
Fonds marins et droit des États
Fonds marins et plateau continental
Le droit international place le plateau continental et ses ressources sous la juridiction de l’État riverain (Convention de Montego Bay, 1982). Mais dans la mesure où ce plateau continental se prolonge géologiquement au-delà des 200 milles marins de sa Zone Économique Exclusive, un État peut en demander l’extension, dans la limite des 350 milles marins, auprès de la Commission des Limites du Plateau Continental (CLPC), des Nations Unies
Ainsi, la Russie s’était-elle vue refuser l’extension de sa ZEE en Arctique. Tandis que l’Australie a-t-elle obtenu l’extension de la sienne à hauteur de 5 millions de km2.
Pour sa part, la France a obtenu en 2015 l’extension de sa ZEE pour une superficie de 579 000 km2 de (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Nouvelle-Calédonie et îles Kerguelen), soit l’équivalent de celle de l’Hexagone et surtout en deuxième position en termes d’espace maritime.
Attention, l’extension de cette ZEE concerne uniquement le plateau continental, autrement-dit le sol et le sous-sol marins, et non pas la colonne d’eau au-dessus : il ne s’agit donc pas d’une extension du domaine maritime.
Fonds marins et abysses
Au-delà de la ZEE de chaque État, les fonds marins ont le statut de « patrimoine mondial de l’humanité ».
En tant que bien commun, cette « zone » (c’est ainsi qu’on l’appelle… ) ne peut faire l’objet d’appropriation, doit être utilisée uniquement « à des fins exclusivement pacifiques » et exploitée « dans l’intérêt de l’humanité tout entière ».
Les litiges la concernant sont réglés devant le Tribunal international du droit de la mer, basé à Hambourg.
Fonds marins et Aires Marines Protégées
Afin d’éviter une appropriation détournée de la haute-mer, la Convention de la mer a prévu que Aires Marines Protégées créées dans la « zone » aient un régime d’appropriation collective et soient placées sous l’égide de l’Autorité internationale des fonds marins.
Certains doutent un peu de la véracité de cette gestion collective.
Fond marin et climat
Fond marin et réchauffement climatique
Il ne s’agit certes pas du sol, mais les eaux marines profondes sont un régulateur majeur du climat.
Selon le rapport spécial du GIEC sur l’océan et la cryosphère (septembre 2019), depuis le début de l’ère industrielle, l’océan a absorbé 90% de la chaleur excédentaire du système climatique ; Et devra en absorber deux à quatre fois plus d’ici à 2100, dans l’hypothèse optimiste d’une augmentation inférieure à deux degrés.
Fond marin et CO2
Quant au CO2, selon le chercheur de l’Université Heriot-Watt en Écosse, la haute-mer piège désormais 33% des émissions anthropiques de CO2, contre 20% dans les années 1980.
Le régulateur du climat et des émissions de gaz à effet de serre qu’est l’océan a ses limites :
- acidification des océans,
- réduction du brassage entre eaux de surface et eau profondes
- et modification des écosystèmes des fonds marins (moindre croissance ou mort des récifs coralliens, véritables sites de la biodiversité marine, et du plancton)
Fonds marin et (sur)exploitation
La surpêche en haute-mer, l’appât des nodules polymétalliques sur les fonds marins, le réchauffement climatique et les émissions de CO2 : l’océan et leurs fonds marins risquent d’être mis à mal avant-même que nous ne les ayons explorés.
Parmi les substances universelles du fond des mers, le plastique. Sur les douze millions de plastique annuellement rejetés en mer, 250 000 tonnes seulement sont retrouvés (littoral) ou identifiés (gyres).
Où passe l’essentiel ? Au fonds des mers. Et là, personne n’est capable de le récupérer.
Pour en savoir plus
La rédaction de Toutvert.fr vous invite à consulter les articles suivants :
- Le projet fou de Boyan Slat pour dépolluer les océans en 5 ans
- Pollution des océans : le 7ème continent de déchets
- Quel poisson manger en quelle saison ?
- Le dauphin ami de l’homme, mais l’inverse ?
- Pour tout savoir sur la voile
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