Rouler (et même voler) à l’éthanol est-elle la solution alternative aux énergies fossiles ? Tout dépend s’il s’agit de recourir à la betterave, à la canne à sucre. Pire, à l’huile de palme.
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Avant tout une molécule
Le débat avait échauffé le mois de janvier en France, à la suite de la déclaration du ministre de l’Agriculture faisant une différence culturelle entre une molécule de vin et de whisky.
La dimension patrimoniale de la viticulture n’y change rien. Une molécule d’alcool est toujours de l’éthanol, qu’il s’agisse de vin, de bière ou même de cidre. C’est d’ailleurs cette molécule présente dans le sang et non le millésime absorbé, que mesure le gendarme qui vous fait souffler dans l’éthylotest.
La formule de l’éthanol
Pour les chimistes, l’alcool éthylique est : CH3-CH2-OH. Autrement-dit de l’alcool pur, issu de la fermentation de fruits, grains ou tubercules.
Un peu d’histoire
Dès la Préhistoire, l’être humain a goûté aux plaisirs liés à la fermentation des fruits. Dans des jarres chinoises datant du néolithique, ont été découvertes des traces d’éthanol de riz, de miel et de fruits.
Quant à l’usage de celui-ci comme carburant, la fameuse Ford T, qui a signé l’ère de l’automobile pour tous, elle pouvait rouler à l’éthanol jusqu’au moment où la Prohibition marqua en 1920 un coup de frein à ce type de carburant.
Pourquoi utiliser l’éthanol ? Les usages industriels et médicaux
Hormis sa présence dans toutes les boissons alcoolisées, il a des usages industriels et médicaux, de même qu’en parfumerie et cosmétique. Dans l’industrie, il est principalement utilisé comme solvant ou produit de base, notamment dans les produits de nettoyage, antigels, vernis et peintures.
En médecine, il est employé comme désinfectant. Par ailleurs, des injections d’éthanol permettent de tuer certaines cellules cancéreuses par leur déshydratation, notamment dans le cas de cancer du foie.
Le bioéthanol
Est-ce que l’éthanol est de l’essence ?
Les énergies fossiles ont le double inconvénient d’être polluantes et soumises aux importations d’hydrocarbure, avec l’aléa des cours du marché et à la perspective de leur épuisement.
Pour s’en émanciper, les agrocarburants issus de plantes contenant du sucre (betterave, maïs, canne à sucre) ou de matières pouvant être converties en sucre (amidon de blé) ont retrouvé un véritable intérêt.
Ethanol E85
Ainsi le super-éthanol E 85 est-il proposé à la pompe. Il contient 85 % d’éthanol pour 15 % d’essence. Et fait l’objet d’une aide de l’État, afin d’équiper le moteur de sa voiture du boîtier bioéthanol homologué.
Ethanol E10
Les essences standard contiennent elles-mêmes de l’éthanol (5% pour les SP95 et SP98), 10% pour le SP95-E10.
Une fois de plus, l’idée n’est pas entièrement neuve. Il y a une centaine d’années, ce carburant se commercialisait sous le nom de benzol, également mélange de carbure et d’éthanol.
Bioéthanol : toute une filière
La France est aujourd’hui le premier producteur européen d’agro-carburants, représentant un quart du marché. La première ressource en est la betterave sucrière, dont un hectare produit 9 000 tonnes d’éthanol, soit soit 4,6 tonnes équivalent pétrole (tep).
Une filière structurée sur un atout agricole, la filière agro-industrielle déjà constituée et des investissements.
Bioéthanol, quid de la seconde génération ?
Toute la question est de savoir si cet agrocarburant ne risque pas d’empiéter sur les plate-bandes alimentaires.
A ce jour au stade expérimental, la filière de la biomasse cellulosique (déchets agricoles et forestiers, algues, végétaux), serait moins compétitive.
Ethanol « à la betterave »
Pour la filière de la première génération, le bioéthanol à base de betteraves ne lèse pas les besoins alimentaires. Au contraire, elle fournit en même temps des “drêches” vouées à l’alimentation animale, sans OGM et à haute teneur en protéines, qui permettent de réduire l’importation de tourteaux de soja.
L’éthanol, un danger pour le Brésil et la forêt amazonienne ?
Le Brésil est le premier producteur au monde de canne à sucre et le second en matière d’éthanol. Au pays du foot, on se déplace avec de la canne à sucre distillée dans le réservoir. Depuis longtemps c’est une vraie culture.
Après les États-Unis, premier producteur au monde, le Brésil a fait le choix de l’éthanol dès le lendemain du premier choc pétrolier. Et, malgré la découverte de gisements pétroliers sur leurs territoires dans les années 2000. Une longueur qui fait reculer la forêt amazonienne ?
Non, répondent les autorités. La canne à sucre vouée aux voitures est cultivée dans la région de Sao Paulo, uniquement.
Ethanol et les moteurs de voiture
Aides de l’État et moindres émissions de CO2, l’éthanol ne supporte pas pourtant le froid. Frileux, il nécessite un taux d’essence supérieur en cas de frimas. Par ailleurs, il réduit l’autonomie du véhicule. Quand un plein d’essence permet de rouler pendant environ 700 kms, un plein d’éthanol ne représente une autonomie que de 500 kms.
Le cas des transports en commun
En 2020, la ville de Montpellier a été la première collectivité à s’équiper d’autobus roulant à ce carburant, de seconde génération de surcroît. Une flotte de quinze autobus roulant au marc de raisin et lies de vin, soit des résidus viniques qui ne peuvent êtes taxés d’être une ressource agricole alimentaire. Une distillerie par ailleurs locale, car située à Vauvert dans le Gard.
En Suède, les autobus circulent aussi à ce carburant. A Göteborg, l’autre grande ville du pays, les bus circulent à l’électricité ou aux biocarburants. Il n’y fait pourtant pas bien chaud. Justement, y a été aménagé un tout premier arrêt de bus “indoor”. Plus besoin de s’exposer aux courants d’air pour attendre son autobus.
Ethanol dans l’aviation
Si l’aviation n’est pas soumise à une réglementation en la matière, elle est dans le collimateur des émissions de CO2. Les industriels se sont fixés pour objectif de réduire de 50% les émissions de CO2 de l’aviation d’ici à 2050 au regard de celles de 2005.
Le 15 juin 2021, un avion Van’s Aircraft rv-8, alimenté par un carburant renouvelable à plus de 97 %, a effectué le tout premier vol international – entre Sarrebrück et Reims. Les énergies biosourcées intéressent le secteur.
Dilemme, pendant que du kérosène classique émet 89 grammes de CO2 par mégajoule d’énergie produite, si un biocarburant issu des déchets ménagers communs (hors déchetterie) en produira 5,2 g seulement, l’huile de palme (l’une des matières premières les moins chères) pèse 99,1 g de CO2 par mégajoule au regard de la déforestation, soit une hausse de 11 % des émissions.