La question n’est pas si absurde : la progressive disparition des abeilles est un fait. Entre virus, pesticides et autres prédateurs, le nombre de ruches dans l’Hexagone est passé de 1,5 million en 1994 à 1 million aujourd’hui. Aux États-Unis, près d’un tiers des abeilles a disparu ; et le reste de l’Europe n’est pas épargné. Le jour s’approche-t-il donc où, faute d’abeille, le temps sera compté à l’humanité ?
D’abord, nous n’en sommes pas là; mais surtout, la disparition des abeilles n’est pas en mesure de compromettre la survie de l’homme. Et pour cause : en volume, notre alimentation dépend principalement de céréales (maïs, riz, blé) qui sont pollinisées par… le vent !
Cela dit, une disparition des butineuses serait malgré tout une catastrophe. Tout d’abord parce qu’elles sont essentielles à la pollinisation de nombre d’espèces végétales. Leur disparition serait fatale à ces dernières ainsi qu’aux espèces animales qui s’en nourrissent.
De plus, sur 1330 espèces de plantes utilisées par l’homme, plus de 75 % nécessitent l’intervention d’un pollinisateur : depuis les fruitiers ligneux (cerisier, pommier. ..) et les fruitiers à petits fruits (framboises, groseilles), jusqu’à nombre de cultures maraîchères (melons, courgettes…).
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En outre, beaucoup de légumes dont nous ne consommons pas les fruits doivent être pollinisés pour former leurs graines : salades, poireaux, oignons… Certes, une partie de ces espèces peut s’autoféconder, ou se faire polliniser par le vent ; mais au prix d’une chute considérable du rendement : – 88 % pour la fraise,- 65 % pour l’oignon…
Enfin, la disparition des abeilles se traduirait aussi par une profonde modification des écosystèmes. On pourrait assister à un retour en force des conifères, pollinisés par le vent. Tandis que des milieux comme la garrigue, surtout constitués de plantes à fleurs, disparaîtraient corps et biens.
Reste que les études décrivant d’inquiétantes baisses d’effectifs des butineuses ne portent que sur l’abeille domestique Apis mellifera, alors qu’il y a, rien qu’en France, plus de mille espèces sauvages : bourdons, osmies, etc.
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« Mais nous avons toutes les raisons de penser que les problèmes de l’abeille domestique frappent aussi, et même plus, les abeilles sauvages, affirme Bernard Vaissière, chercheur au laboratoire de pollinisation entomophile de l’inra. Elles ont en effet des cycles de vie analogues et la même alimentation, mais la structure sociale d’Apis mellifera la protège davantage. »