Le Gulf Stream assure la douceur climatique de notre côte atlantique, El Nino déclenche des tempêtes au Pérou : les courants marins répartissent la chaleur solaire à la surface du globe. Cette immense machine peut-elle se détraquer ?

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Comment se forment et fonctionnent les courants marins ?
Courants marins et petits canards jaunes
Le 10 janvier 1992, un cargo parti de Chine et pris dans une tempête au milieu du Pacifique, perdit un container empli de jouets de bains : 29 000 petits canards jaunes, grenouilles vertes, castors rouges et tortues dérivèrent à la surface de l’océan.
Quatorze ans plus tard, on en retrouva en Alaska, dans le détroit de Béring, en Indonésie, en Australie. En fait de catastrophe, les petits canards jaunes furent des indices précieux pour les scientifiques !
Courants marins et océans
Les eaux des océans ne sont pas des pré-carrés propres à chacun : elles circulent en continu, via les courants marins.
On distingue les courants marins de surface (10% du volume d’eau des océans) des courants marins de profondeur (90%). Comme leur nom l’indique, les premiers circulent à la surface des océans, les seconds sont de véritables rivières et fleuves sous-marins.
Qu’est-ce qui provoque les courants marins ?
Les courants marins de surface
La circulation atmosphérique est à l’origine des courants marins de surface : ces courants de surface ont ainsi la même trajectoire que les vents dominants (alizés, cinquantièmes hurlants), sauf lorsqu’ils rencontrent un obstacle (continent) où ils se transforment alors en tourbillons ou gyres.
Ces courants marins de surface sont très influencés par les saisons, en particulier par la différence d’ensoleillement. Plus proches des côtes, ils sont plus forts que les courants marins profonds et jouent un rôle majeur sur les climats locaux.
Les courants marins profonds
Les vents n’ont pas d’influence sur les courants marins de profondeur, situés à plus de 800 mètres de fond. Les courants marins profonds sont créés par la différence de densité de l’eau de mer : celle-ci dépend à la fois de la température (l’eau froide est plus dense que l’eau chaude) et de la salinité (l’eau salée est plus dense que l’eau douce).
Ainsi, l’eau qui se déplace vers le pôle Nord à la fois se refroidit et se charge en sel, l’eau gelant rejetant celui-ci : les courants profonds prennent majoritairement naissance dans l’hémisphère nord.
Comment expliquer les vents et les courants ? La force de Coriolis
Dans l’hémisphère nord, tous les courants marins courants sont orientés dans le sens des aiguilles d’une montre, et inversement dans l’hémisphère sud : l’inertie de la rotation de la Terre (sur sa droite) ou force de Coriolis les fait dévier.
Ainsi, l’air qui se déplace de l’équateur au pôle Nord est-il dévié vers l’est et celui qui en descend est dévié vers l’ouest. La force de Coriolis entraîne les vents qui créent les courants de surface : or, la mer retenant mieux la chaleur que l’air, on comprend parfaitement le rôle de régulateur du climat des courants marins.
Les différents types de courants marins
Les courants marins et circulation thermohaline
Les courants marins profonds et de surface ne sont pas deux circuits indépendants. Ils forment au contraire un véritable « tapis roulant » ou circulation thermohaline, de « thermo », la température et « halin », la salinité.
En Atlantique nord, les courants marins profonds coulent vers l’Atlantique Sud où ils remontent alors progressivement en surface, où ils se répandent dans les océans Pacifique et Indien.
A l’inverse, les courants chauds de surface y reviennent sous l’action des vents. Cette circulation entre l’Atlantique et le Pacifique s’appelle le « conveyorbelt ».
Les courants marins et upwellings
Lorsqu’un vent côtier pousse l’eau chaude de surface de l’océan, ce « trou » est comblé par le courant marin profond en-dessous : cette remontée d’eau froide s’appelle l’upwelling.
Au large du Pérou et du Chili, le courant de Humboldt est typiquement un upwelling : cette zone est exceptionnellement riche en plancton et en anchois. Dommage que cette manne soit vouée aux farines animales du monde entier, plutôt que de nourrir en protéines les populations locales.
Les courants marins et downwellings
Les downwellings, eux, sont dus à la densité de l’eau : les eaux chaudes de surfaces se concentrent en sel sous l’effet de l’évaporation. Elles s’alourdissent et plongent en profondeur.
Autre cause de downwelling, le gel de la banquise, qui expulse alors le sel : l’eau non gelée plonge, elle aussi, vers les profondeurs.
Les courants marins et équateur
Les trois principaux océans du globe sont l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Indien. A l’équateur, chacun de ces trois océans est traversé par un courant marin parallèle à l’équateur dit « courant équatorial », qui rejoint l’un des courants généraux de ces océans.
Débit des courants marins
Les courants marins de profondeur s’écoulent généralement lentement : environ un millimètre par heure, si bien qu’une gouttelette d’eau de mer met jusqu’à un millier d’années à faire un tour complet de circulation thermohaline.
Tout dépend des courants marins : au niveau de la Floride, le Gulf Stream charrie tout de même 60 millions de mètres cubes d’eau par seconde, ce que ne fait aucun fleuve terrestre.
Et puis, exception de taille à cette règle : le courant circumpolaire. En 2010, des scientifiques australiens et nippons ont même découvert le courant marin profond le plus rapide du monde : il longe les Kerguelen et coule à une vitesse moyenne de vingt centimètres par seconde. Un record.
Mesure des courants marins
Le débit d’un courant marin se mesure en « Sverdrup », du nom de l’océanographe et météorologiste norvégien Harald Sverdrup : cette unité de volume équivaut à 106 m3 par seconde.
Carte des courants marins



Les principaux courants marins
Selon leur origine, les courants marins profonds sont froids ou chauds : globalement, les courants chauds partent de l’équateur, tandis que les courants froids partent des pôles.
Le courant circumpolaire antarctique
Le courant circumpolaire ou Grande dérive d’Ouest est le courant marin le plus puissant du monde : pas d’obstacle pour l’arrêter et en surface, les 40eme rugissants soufflent. Résultat : 20000 km de long, jusqu’à 1000 km de large, à 4000 mètres de profondeur. A l’extrême, il charrie jusqu’à 130 millions de m3 par seconde.
Le courant circumpolaire brasse les eaux des océans Atlantique, Pacifique et Indien : un vrai moteur de la régulation climatique.
Et parmi ses prolongations, le courant froid de Benguela, qui longe l’Afrique du Sud jusqu’à un courant chaud équatorial.
Les courants marins froids
Autres grands courants froids de surface :
- celui du Labrador, en l’occurrence prolongation des deux courants arctiques du Groenland et de l’île de Baffin,
- ou encore le courant d’Oya-Shivo en mer d’Okhotsk qui longe le Kamchatka.
Le Gulf Stream
C’est le nôtre… raison pour laquelle il est le courant marin de profondeur chaud le plus remarquable ? C’est aussi celui qui nous crée des angoisses : va-t-il un jour se ralentir ou même s’arrêter ?
Même George Bush, pourtant climato-sceptique notoire, s’en était en 2010 inquiété au point d’en commander une étude au Pentagone : depuis sa formation voici quatre millions d’années, le Gulf Stream a réservé des « surprises climatiques », baisse sévère des températures et chute de la pluviométrie.
Ces épisodes de paresse du Gulf Stream peuvent-ils devenir structurels ? Lorsque la calotte glaciaire fond, elle libère de l’eau douce qui gêne la formation de courants profonds en Atlantique nord, ces derniers ralentissant la circulation thermohaline et donc formation en surface du Gulf Stream. Le réchauffement climatique, menace t-il le Gulf Stream ?
D’ici à ce qu’il ne joue plus son rôle, il est encore cet immense fleuve sous-marin de 80 kms de large sur 300 mètres de volume d’eau, qui nous apporte cette chaleur bienvenue depuis la Floride et les Bahamas.
Courants marins Pacifique : le Kouro Chivo
Le Kouro Chivo est un peu l’autre Gulf Stream : dans le Pacifique, il transporte les eaux chaudes tropicales depuis les Philippines et la mer de Chine jusqu’au centre du Pacifique, en longeant l’archipel du Japon.
Au large du Kamtchatka, il fusionne alors avec un autre courant, l’Oyashio, pour former le courant du Pacifique nord.
El Niño
El Niño en a donné son nom à un phénomène météorologique : littéralement « l’enfant Jésus », il s’agit pourtant d’un courant côtier chaud et saisonnier chaud au large du Pérou et de l’Équateur. Lorsqu’il souffle, c’est la fin de la période de pêche.
Etrange, El Nino : au nord de l’Australie, des courants de surface s’échauffent au point d’être appelés la « piscine chaude ». Normalement, les Alizés repoussent cette « piscine » vers l’Océanie… sauf quand ils ne le font pas. El Nino, c’est ce courant surchauffé qui arrive alors sur les côtes chiliennes, avec son lot de cyclones et d’inondations.
Quel effet les courants marins ont-ils sur le climat ?
Le tapis roulant des courants marins fonctionne un peu comme un bon circuit de radiateurs, qui diffuse et régule la température ambiante.
Le réchauffement climatique (de l’atmosphère et de la température des mers) peut-il mener à un scénario-catastrophe du type Le Jour d’après (film de 2004 de Roland Emmerich, où un paléoclimatologue effectue des forages de calotte glaciaire en Antarctique, lorsque la glace se détache soudainement du continent) ?
Jusqu’à présent, il semblait établi que le réchauffement climatique ralentissait les courants marins. Mais en février 2020, une étude parue dans Science Advances émit l’hypothèse inverse : l’augmentation de la vitesse des vents accéléreraient les courants marins jusqu’à une profondeur de 1000 mètres.
Résultat ? Hélas, presque le même, puisque les abysses en seraient réchauffées et donc, les courants marins profonds perturbés dans le circuit que nous leur connaissons.
Pour en savoir plus
La rédaction de Toutvert.fr vous invite à consulter les sujets suivants :
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- Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique ?
- La pollution des Océans : zoom du le 7ème continent de plastique
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