Le colza, on l’appelait l’or jaune végétal
Est-il réellement une alternative écologique ?
Il devait sortir de sa place traditionnelle dans nos cuisines pour faire partie de la transition écologique. Mais le colza cultivé pour ses débouchés industriels n’empiète-t-il pas sur notre pré-carré alimentaire ? D’ailleurs, est-iI vraiment écologique ? Sans compter qu’entre aléas météorologiques et contre-pieds politiques, il est devenu un casse-tête pour les agriculteurs. Au bout du compte, cette plante cristallise nos contradictions.

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L’or jaune
Un hybride naturel
Le colza appartient à la famille des Brassicacées ou si vous préférez crucifères, ainsi désignés en raison de la corolle de leurs fleurs, formée de quatre pétales en croix. Parmi les caractéristiques de cette grande famille de choux et navets, leur aptitude à s’hybrider.
Ainsi le colza est-il issu du croisement entre un chou et la navette. On ne sait pas si cette hybridation s’est faite dans la nature ou bien dans les potagers, où choux et navettes étaient cultivés côte à côte, le chou pour se nourrir, la navette pour en extraire de l’huile d’éclairage.
Le colza, une culture ancienne
En tous les cas, cette hybridation ne date pas d’hier, puisque le colza se cultivait en Chine dès l’Antiquité. Introduit en Europe du Nord au XVIIIe siècle, cet hybride fut rapidement cultivé sous deux formes, le colza pour l’huile, le rutabaga pour ses racines.
Le flamand coolzaad, “graine de chou”, lui donna son nom de colza. Quant à la ville de Lille, elle compta au XIXe siècle 200 moulins à huile ou “tordoirs”, qui extrayaient l’huile de Colza destinée en grande partie à la région parisienne. Une véritable aubaine économique.
Colza, une céréale d’hiver
Au printemps, il se reconnaît aux champs jaunes qui illuminent le paysage. Au bout de sa tige, la fleur affiche ses quatre fleurs jaunes, chacune pleine de petites graines sphériques. Ces graines contiennent 45% d’huile.
Cette plante aime les climats frais. Il se sème à l’automne, vers la mi-octobre où le sol n’est ni trop froid, ni trop détrempé par les pluies. Il se récolte en juillet.
Les utilisation du colza dans l’alimentation humaine
L’huile de colza
Il reste principalement cultivé pour sa graine. L’huile de colza est la troisième huile alimentaire la plus consommée avec l’huile d’olive et celle de tournesol.
Comme les autres Brassicadées, le colza contient entre autres acides gras, de l’acide érucique dénoncée dans les années 1960 comme nuisible à la santé, à la fois en raison de risques de troubles cardio-vasculaires, mais aussi parce qu’elle entre dans les préparations pour nourrissons.
Depuis, entre sélections de colzas à faible teneur en acide érucique et normes européennes, son huile est plébiscitée pour son excellent rapport Oméga 6/Oméga 3, avec 60% d’acides gras monoinsaturés (Oméga 9) et 30% d’acides gras polyinsaturés (Oméga 6 et oméga-3), soit 2,4 Oméga 6 pour 1 Oméga 3.
La seule limite de l’huile de colza est connue : elle est déconseillée pour la cuisson, car alors cancérigène. En revanche, elle peut être utilisée sur un aliment chaud tel qu’un poisson, sans aucun souci.
Par ailleurs, cette huile facilite la cicatrisation des plaies et brûlures et elle agit efficacement, en lavements, contre la constipation. Tout ce qu’il faut pour la santé…
La margarine
Toujours pour réduire le risque de maladie cardio-vasculaire, en tête des pathologies des pays développés et qui touchent désormais autant les femmes que les hommes, la margarine séduit le consommateur. Pour preuve, la longueur du rayon alimentaire qui lui est consacré. Le tout est qu’en-dehors des annonces alléchantes, elle ait un rapport oméga-6 / oméga-3 inférieur à quatre.
Désormais le steak
Manger moins de viande ? Voici le steak de colza. Il s’inscrit dans la double logique d’un essor de l’intérêt pour les protéines d’origine végétale, et de celui de la filière du colza. Contrairement au soja qu’elle importe à 70%, l’Europe est un producteur de colza. De quoi réduire la facture.
Les feuilles de colza en légumes
Cette plante appartient à la famille des choux… ses feuilles se consomment comme du chou frisé dans la cuisine asiatique, mais aussi espagnole et portugaise.
Attention, la “broute de Laloubère ” encore cultivée dans le sud-ouest de la France pour la soupe paysanne, n’est pas du colza. Il s’agit d’un “légume oublié” bien distinct.
Le colza fourrager dans l’alimentation animale
Pour le gros bétail, les porcins et même la volaille, le tourteau de colza est une source de protéines qui a pour double intérêt d’être un coproduit issu de l’extraction de l’huile et de réduire lui aussi la facture d’importation.
Le bémol est que ce tourteau a une valeur énergétique bien plus faible que celui de soja. En même temps, sa moindre teneur en glucosinolates est bénéfique contre les troubles du métabolisme des bovins et porcins. Quant à la plante de colza entière, elle est aussi une bonne plante fourragère.
Une plante mellifère
Cette plante fournit un nectar abondant, à partir duquel les abeilles font un “miel de printemps” clair et sucré, consommé pour lui-même mélangé à d’autres miels. Un miel qui entre aussi dans la composition de la pâtisserie.
Un engrais vert
C’est une “tête de rotation” utile en agriculture. Planté à la fin de l’été avant les céréales, le colza absorbe l’azote et permet de réduire le recours aux intrants, en cassant le cycle des mauvaises herbes et des maladies des céréales.
Véritable engrais vert, il sert de couverture au sol, il est ensuite enfoui comme engrais.
Les débouchés industriels du colza
Le biodiesel aura été le premier usage industriel du colza. Ce mélange d’huile de colza et de tournesol a réduit l’émission de particules fines grâce à une meilleure teneur en oxygène que le diesel fossile. De surcroît, cet excellent lubrifiant limite l’usure du moteur.
Le TER Paris-Normandie
Au printemps 2021, les quinze trains de la ligne ferroviaire Paris-Granville ont circulent au colza, représentant une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre par rapport au pétrole. Une expérimentation de trois mois, au coût également moins élevé.
Même la colle
Si le colza était l’alternative aux produits issus de la pétrochimie ? C’est en cours pour les colles utilisées dans la filière de transformation du bois, toujours à base de résines formaldéhydes, reconnues comme cancérigènes par l’OMS depuis vingt ans.
Les revers de la médaille du colza
Colza, lui aussi OGM ?
Les néonicotinoïdes sont interdits sur les cultures de colza, ce qui est une bonne chose. Malheureusement, cette plante est sensible à certains insectes et pathologies. A défaut de recourir aux néonicotinoïdes, il suffit de créer une plante tolérante aux herbicides autorisés….
Cette tentation s’est heureusement heurtée au Conseil d’Etat qui en 2020, a imposé que les variétés obtenues par mutagenèse “in vitro” tombent sous la réglementation des OGM. Autrement-dit, elles sont interdites de culture et de commercialisation en France.
Impact sur le réchauffement climatique
Pour produire du biocarburant, la culture du colza recourt à des quantités d’engrais importantes, dont la dégradation émet du protoxyde d’azote 300 fois plus actif en matière de réchauffement climatique que le CO2. Sans compter son impact sur la biodiversité.
Les aléas politiques
Après avoir été encouragée, la filière du biocarburant a subi le revers du dieselgate. Aujourd’hui, le risque de crise alimentaire lié à la guerre en Ukraine conduit, en l’occurrence, à privilégier la souveraineté alimentaire sur le développement d’une filière énergétique.
En France, le colza ne représente plus qu’un million d’hectares des surfaces cultivées. Une “érosion” qui impose d’importer 30% des besoins en huile alimentaire et plus de la moitié des besoins en protéines.
Au bout du compte, en Europe, la culture du colza n’a véritablement pris un nouvel essor qu’en 1980, avec la crise du soja, lors de l’annonce par les États-Unis d’un embargo sur les exportations de soja. Aujourd’hui, la filière protéique et biocarburants sont liées. A savoir l’impulsion qui lui sera donnée.
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