La cigogne, plus qu’un heureux présage
« Quand la cigogne est là, le monde est en bon état ». Décidément, le proverbe alsacien ne se dément pas.

Contenu
Présentation de l’oiseau
Qu’elle soit blanche ou noire, la cigogne (Ciconia) est cet élégant échassier qui se distingue par son long bec et ses pattes filiformes. Une jolie silhouette d’un mètre de long pour une envergue de près de deux mètres, qui reste l’orgueil des toits alsaciens, sans exclusivité.
Elle est présente en Charente maritime, et même en Picardie. Ou plutôt, est revenue dans l’Hexagone, grâce à l’initiative des associations qui se sont mobilisées pour ne pas la voir disparaître.
Car mieux que d’annoncer le printemps – non, les hirondelles ne sont pas les seules à le faire – la cigogne est un véritable marqueur de la santé des écosystèmes.
Avouez, c’est beau, un nid de cigogne qui trône sur un toit d’église ou de maison. Combien en dénombre-t-on ? Presque deux mille couples pour la totalité de la France : contre onze dans les années 70. Cet oiseau est emblématique du refus de la disparition d’une espèce. De quoi la classer parmi les bonnes nouvelles, à plus d’un titre.
Cigogne et bébé
Elle illustre les faire-part de naissance : la légende de la cigogne ou du « Kinderbrunnen », le puits à enfants, veut que la femme désireuse d’avoir un bébé fasse un vœu au-dessus d’un puits, car entendu par un gnome blanc.
Cette légende alsacienne née au XIXème siècle voulait que les âmes d’enfants s’ébattent joyeusement dans un lac souterrain de la cathédrale de Strasbourg, en attendant de venir au monde. A l’écoute du vœu des parents, le gnome en pêchait avec un filet d’or, pour les déposer sur le bord du puits.
La cigogne ? Il fallait un messager apte à porter le nouveau-né sain et sauf jusque dans son berceau, ce qui est son cas grâce à son long bec.
Cigogne et migration
En hiver, cet échassier migre non pas tant pour fuir le froid, que par la raréfaction des proies à se mettre dans le bec. Direction l’Afrique, sachant que le courants thermiques ascendants sont inexistants au-dessus de la mer. D’où le fait que les cigognes contournent la Méditerranée.
Ainsi en France, y a-t-il deux grands courants migratoires de cigognes : à l’ouest, c’est la route la plus courte pour les cigognes, qui descendent la façade atlantique pour passer les Pyrénées et rejoindre Gibraltar.
A l’est, la route des cigognes est plus longue : depuis les Pays-Bas, l’Allemagne et bien sûr l’Alsace, les cigognes descendent le couloir rhodanien, rallient les Pyrénées par la Catalogne, pour alors, elles aussi, rejoindre Gibraltar, direction l’Afrique.
A l’échelle européenne, les cigognes empruntent également deux axes : à l’ouest, en passant par la France puis l’Espagne : à l’est en passant par la Grèce, le détroit du Bosphore, puis l’Égypte. Quel périple !
Les principales zones d’hivernage sont les zones sub-sahariennes du Mali, du Niger, du Tchad, du Nigeria, du Cameroun. Sauf que, depuis quelques temps, des cigognes hiberneraient dans le sud-ouest de la France. Bon ou mauvais signe ? Les hivers sont moins rigoureux pour la nourriture de la cigogne.
Cigogne et Alsace
La cigogne blanche est autant l’emblème de l’Alsace que les dessins d’Hansi. Sauf qu’elle a bien failli ne plus être qu’un souvenir de carte postale : en 1974, l’Alsace ne recensait que neuf couples de cigognes. Autant dire qu’elle a failli disparaître du paysage.
La raison ? Entre drainage des zones humides, lignes à haute tension, chasse sur leur parcours, sécheresse des zones sahéliennes, moins de 10% revenaient de leur migration africaine. En 1983, l’Association pour la Protection et la Réintroduction des Cigognes en Alsace Lorraine (APRECIAL) eut pour mission de protéger et de sédentariser les cigognes.
Aujourd’hui, le parc de Hunawihr (très joli village de la Route des vins entre Riquewihr et Ribeauvillé) abrite une volière, où les cigognes apprennent à ne plus migrer. Un apprentissage de trois années, avant de nicher librement sur les toits alsaciens.
Cigogne, alimentation
Son long bec lui sert à la fois de pinces et de poignard : juchée sur ses fines pattes, elle surprend sa proie. Au menu de cet échassier carnivore, insectes et petits mammifères.
Insectes (criquets, sauterelles), mais aussi araignées, limaces, vers de terre, et de petits mammifères (mulots, taupes, campagnols), batraciens, reptiles (orvets). Autrement-dit, tous les petits animaux vivants ou morts, qui passent à proximité de son bec.
Contrairement à l’idée répandue, elle n’est pas exclusivement une mangeuse de grenouille, loin s’en faut. D’ailleurs, dans l’ouest de la France, les cigognes se nourrissent même d’écrevisse américaine.
Comment le sait-on ? La cigogne stocke sa nourriture dans son jabot, où celle-ci est ramollie et triée : une dizaine d’heures plus tard, cet échassier régurgite tout ce qui lui est indigeste. Autant de petites boulettes témoin de carapaces de crustacés.
Une fois en Afrique, elle trouve des criquets, lézards et petits serpents. Et profite des feux de brousse pour se régaler de proies grillées. Eh oui, cet oiseau aime bien les BBQ !
Cigogne, son célèbre nid
Bien qu’habitant dans les hauteurs, notre oiseau n’est pas très chambre de bonne. Son nid est tout sauf une peccadille : entre 1m20 et 1m40 de diamètre, pour 500 kgs ! Le tout perché sur les toits de maisons ou d’églises.
Au mâle revient la consolidation de cette construction plate, mais faite de sarments de vignes et branchages. Une fois le nid assuré, la femelle viendra.
Cigogne, son vol
La cigogne vole à une vitesse moyenne de 50 kms/h : elle est bonne pour le périphérique parisien ! Par chance, elle a mieux, les courants ascendants : ainsi plane-t-elle d’un courant ascendant à un autre, pour migrer sur de longues distances.
Son altitude de vol n’est pas très élevée : 1000 mètres en moyenne, que ces courants lui font tout de même franchir à raison d’un mètre pas seconde.
Dessins de cigogne
Les espèces représentatives
Les ciconiidés forment une faille de dix-neuf échassiers : depuis le plus gros qu’est le marabout d’Afrique (neuf kilos) jusqu’à la petite cigogne d’Abdim (entre un à trois kilos).
Pas tout à fait le même format, pour une morphologie qui se distingue tout particulièrement par ce long bec, dont celui du marabout d’Afrique ne cesse jamais de grandir, pour atteindre les trente-cinq à quarante centimètres !
La cigogne est présente sur presque tous les continents : en Asie, la cigogne orientale a le bec noir en Corée, blanc au Japon ; en Amérique du Sud, la cigogne maguari a le bec qui se termine pas une pointe rouge ; en Afrique mais aussi en Inde, la cigogne épiscopale habite les roseaux et est parfaitement silencieuse.
Mais les espèces les plus représentatives restent la blanche et, dans une moindre mesure, la noire.
Cigogne blanche
C’est la nôtre : le plumage parfaitement blanc et les rémiges des ailes noires, un mètre de long (du bout du bec à la l’extrémité de la queue). La blanche (Ciconia ciconia) représente aussi un record de longévité : jusqu’à une trentaine d’années, un spécimen bagué ayant vécu jusqu’à trente-neuf ans.
Dire que le cigogneau ne pèse pas plus de 75 grammes à l’éclosion de l’œuf. Comment fait-il pour migrer ? Il naît en Afrique, et migre vers le nord, une fois adulte. D’ici-là, il n’est pas seul au monde, car cet échassier a l’instinct grégaire.
Cigogne noire
C’est en Anjou au début des années 1970, que le premier nid de cigognes noires a été repéré : discrète, la noire (Ciconia nigra) s’est indéniablement installée sous nos latitudes.
De plumage noir, à l’exception du bas de la poitrine et du ventre, la cigogne noire prise les eaux douces des marais, étangs, roselières, où elle se nourrit de petits poissons, batraciens.
Contrairement à la blanche dont l’expression sonore est une kyrielle de claquements de becs, la cigogne noire est très expressive : une gamme gutturale, avec une note aigue pour signifier la présence d’un intrus dans son nid.
Une espèce protégée
Inscrite à l’annexe I de la directive Oiseaux de l’Union européenne, la cigogne blanche est depuis 1981, une espèce protégée : pas seulement l’individu, mais son nid, et ses œufs.
La destruction, mutilation, capture, perturbation intentionnelle d’une cigogne est passible d’une peine d’amende ou d’emprisonnement. De même pour la destruction ou le vol de ses œufs ou de son nid. A fortiori est-il interdit de transporter ou de vendre un individu, ses œufs ou son nid.
Un oiseau de bon augure
En 1176 au lendemain de l’incendie de la cathédrale de Strasbourg dont les charpentes étaient alors en bois, le fait que des cigognes établissent leur nid sur les échafaudages furent le signe que la cathédrale allait renaître de ses cendres.
Cet oiseau est symbole de fidélité – par le soin porté à ses cigogneaux et aux cigognes âgées – et d’amour conjugal. Elle est aussi celui de la pureté, qui débarrasse des serpents et crapauds, entendus au premier comme au second degré.
Son rôle écologique
La cigogne est un véritable indicateur du bon état de santé des milieux : forêts et zones humides sous nos latitudes, et oueds en Afrique. A ce titre, la cigogne noire représente autant d’intérêt que la blanche.
Elle est aussi un indice de l’attitude des chausseurs, notamment dans les régions où elle est un peu vite confondue avec les outardes.
Pour en savoir plus
Plus d’informations sur les oiseaux :
- Le moineau et son instinct grégaire
- Tout savoir sur le héron
- Découvrez la sittelle torchepot
- Le hibou, ce rapace nocturne
Laissez un commentaire