Il y a vingt ans, l’altermondialisme s’emparait de la mondialisation commerciale jusqu’alors réservée aux experts, pour s’y opposer. Puis a fait émerger nombre de problématiques concernant les droits humains fondamentaux, la lutte contre les OGM et bien sûr, le climat. Sauf que le contexte a changé.

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Définition de l’altermondialisme
Altermondialisme et mondialisation
A l’aube des années 2000, la mondialisation fait irruption dans le débat public : c’est la fin de ce qu’Eddy Rougier, spécialiste de l’altermondialisme, appelle le « consensus permissif » de la société civile à l’égard du modèle de développement capitaliste.
En 1999 à l’instar de 1968, la situation économique est favorable : mais le système connaît ses grandes dérives, en particulier l’emprise des marchés financiers sur l’économie réelle.
Puis, en 2008, la crise financière correspond à ce que les altermondialistes annonçaient : le système n’est pas viable. Plusieurs chefs d’État, dont Barak Obama, sont favorables à la régulation des marchés : les altermondialistes pensent pouvoir faire émerger leur vision.
Altermondialisme et la révolte du Chiapas
C’est une pierre angulaire de la naissance de l’altermondialisme : le 1er janvier 1994, jour de l’entrée en vigueur de l’Alena (l’accord de libre-échange États-Unis, Canada, Mexique), les zapatistes se soulèvent et prennent le palais municipal de San Cristobal de Las Casas.
Le mouvement amérindien anti-impérialiste, avec pour icône Evo Moralès, amérindien devenu président de la Bolivie (de 1987 à 2019) sera pionnier de la pensée « Agir local, penser global » de l’altermondialisme.
Propositions des altermondialistes
L’altermondialisme milite pour « un monde plus juste » et l’émergence d’une nouvelle culture politique. Sa contestation du système s’articule en trois grandes thématiques :
- La fin de la mondialisation libérale, (non au capitalisme, non à la privatisation des services et des ressources,
- taxation des transactions financières (instauration taxe Tobin),
- la fin de l’impérialisme occidental, notamment en annulant la dette des pays pauvres, le respect des droits humains fondamentaux et la protection de l’environnement.
L’altermondialisme se veut pacifique. Son système politique idéal est la démocratie participative.
Altermondialisme, pas d’organisation unique
L’altermondialisme réfute une organisation pyramidale (pas de porte-parole, égalité des membres des différents mouvements, etc) et revendique son autonomie aux regards des partis et gouvernements.
Cette nébuleuse se structure néanmoins en trois grands mouvements :
- les altermondialistes au sens strict, nés en réaction à la mondialisation (ATTAC),
- les défenseurs d’une cause précise (écologie, droits des consommateurs, des minorités, qui ont le statut d’Ong, associations, syndicats, tels qu’Amnesty International, Les Amis de la Terre, Oxfam),
- certains mouvements politiques qui s’en réclament (Nouveau Parti Anticapitaliste, Socialist Workers Party).
Histoire de l’altermondialisme
Altermondialisme, Seattle, l’acte fondateur
Les 29 et 30 novembre 1999 à Seattle (États-Unis), 40 000 manifestants du monde entier font échouer le sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui devait lancer un nouveau cycle de négociations commerciales, « Le cycle du millénaire ».
Pour la première fois et par la seule désobéissance civile, une manifestation parvient à faire échouer un sommet international : non-violente, elle est brutalement réprimée par la police. Sa médiatisation mobilisera au-delà de la manifestation.
Septembre 1999, démontage du McDonald’s de Millau
Le 12 août 1999, des paysans militants (Confédération paysanne et Syndicat des producteurs de lait de brebis) saccagent symboliquement le chantier de construction d’un restaurant McDonald’s à Millau, dans l’Aveyron.
Cette action est une riposte aux sanctions commerciales américaines de taxation de 100% de droits de douane du fromage de Roquefort, sanctions elle-même en réaction à l’interdiction européenne d’importation de bœuf aux hormones américain. Première mobilisation altermondialiste pour l’alimentation.
Juillet 2001, émeutes à Gênes
En juillet 2001 à Gênes, les émeutes anti-G8 dégénèrent : un mort et 600 blessés parmi les manifestants, au lendemain de la grande manifestation unitaire qui a tournée à la bataille rangée contre les forces de l’ordre.
Amnesty International dénonce « la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». Plus jamais le G8 ne se réunira dans une grande ville.
Altermondialisme : acteur des forums sociaux
Janvier 2001, Porto Alegre le premier anti-Davos
Les altermondialistes organisent leurs propres forums, alternatives au Forum économique mondial de Davos (Suisse).
A Porto Alegre (Brésil), se tient en janvier 2001 le premier Forum social mondial, réunissant 10 000 participants.
Le mouvement est enclenché : à l’échelle mondiale, nationale et locale, des Forums sociaux sont régulièrement organisés.
Novembre 2002, Florence, premier Forum Social Européen
En novembre 2002 à Florence, se tient le premier Forum social européen (FSE). Un million de personnes participent à une marche contre la guerre, la politique américaine et la mondialisation.
2005, Porto Alegre, non à une suite à l’Alena
Affluence record de 150 000 participants au 5e Forum social mondial, à Porto Alegre : les gouvernements latino-américains (proches du mouvement) enterrent la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) qui devait succéder à l’Alena.
FSM, le Forum Social mondial
Depuis Porto Alegre, le Forum anti-Davos se tient désormais régulièrement chaque année en « miroir » de celui-ci :
Sa charte répond aux grands principes consignés dans Changer le monde, [nouveau] mode d’emploi de son co-fondateur Chico Whitaker : un espace mondial ouvert, volontairement sans document de synthèse de ses travaux.
Le Forum Social mondial est un lieu de réflexions, propice à l’émergence des grandes problématiques : la souveraineté alimentaire, biens communs, la charte des migrants, droits des femmes, justice climatique.
Il a également joué un rôle de facilitateur : ainsi de la signature d’une déclaration gréco-turque en 1988, de l’accord Peres-Arafat sur Gaza en 1994, rassemblement en 2003 contre la guerre en Irak, qui a eu un retentissement dans l’opinion publique, française en particulier.
Altermondialisme aujourd’hui, vers un essoufflement ?
Depuis le début des années 2000, le contexte économique a fondamentalement changé : 80% du commerce mondial est aux mains de multinationales, sur lesquelles les États et les grandes organisations internationales (OMC) peinent eux-mêmes à avoir une prise.
Le contexte politique a également changé : les altermondialistes se sont sentis trahis par les chefs d’État de gauche, alors majoritaires en Europe. Aujourd’hui, ils ne sont plus majoritaires… .
Avec sa conception ouverte, l’altermondialisme est dans la logique de « déposer les sujets sur la table, et tout le monde se sert ». Si bien que de grandes problématiques issues de la réflexion altermondialiste ont été reprises, voire récupérées, jusque par des idées extrémistes peu recommandables.
S’il est dans l’ADN de l’altermondialisme de ne pas se structurer de façon classique, il lui est également reproché d’avoir alimenté la contestation, sans véritablement proposer d’alternative globale au système actuel. Néanmoins, il a indéniablement diffusé au sein des opinions publiques, la société civile ayant largement repris à son compte nombre des problématiques (environnement, climat).
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